Le Voyage
À Maxime Du Camp.
I Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes, L'univers est égal à son vaste appétit. Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes ! Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, Le coeur gros de rancune et de désirs amers, Et nous allons, suivant le rythme de la lame, Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ; D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns, Astrologues noyés dans les yeux d'une femme, La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent D'espace et de lumière et de cieux embrasés ; La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent, Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent Pour partir ; coeurs légers, semblables aux ballons, De leur fatalité jamais ils ne s'écartent, Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là, dont les désirs ont la forme des nues, Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon, De vastes voluptés, changeantes, inconnues, Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !
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Charles Baudelaire
Charles Baudelaire est né le 9 avril 1821, à Paris.
Baudelaire a 6 ans à la mort de son père. Sa mère se remarie avec un militaire, le commandant Aupick. Le beau père et l'enfant ne peuvent se comprendre. Après la pension et le baccalauréat, Charles (Baudelaire) mène une vie de bohème. Inquiète, la famille décide de l'éloigner. Baudelaire découvre ainsi l'île de la réunion en 1841. De retour à Paris, il dilapide l'argent hérité de son père et mène la vie d'un dandy élégant et raffiné. Effrayée par ses dépenses, sa mère lui impose un conseil judiciaire : Baudelaire perçoit désormais une modeste rente mensuelle.
Baudelaire publie dans des revues ses poèmes et ses comptes rendus des Salons. Ami de Delacroix, il porte un regard neuf et passioné sur la peinture. Souvent mélancolique, il retrouve auprès de Jeanne Duval, une métisse, le souvenir ébloui du voyage dans les îles. A trente six ans, en 1857, Baudelaire publie Les fleurs du mal. Le receuil fait un scandale, la justice le condamne six pièces pour immoralité. La correspondance de Baudelaire montre combien il est accablé par des dettes et la maladie. C'est pour fuir ses tourments qu'il s'installe à Bruxelles, où il est victime d'un grave malaise. Ramené à Paris, il meurt le 31 août 1867.
Baudelaire a écrit : Du vin et du haschich (1851) / Les paradis artificiels (1860) / Salons (1854-1846-1859) / L'art romantique etc ... |
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